Fantin-Latour : l'hommage à Delacroix

9 novembre 2016

Hommage à Delacroix


Henri Fantin-Latour, Hommage à Delacroix, 1864, Huile sur toile, Paris, musée d’Orsay

Quoi de plus surprenant que cet hommage rendu par un artiste n’ayant pas trente ans, dont la peinture incarne davantage l’avant-garde réaliste des années 1860 que la flamboyance romantique des couleurs du maître disparu un an plus tôt ? « Son tableau de cette année est un peu à la gloire du réalisme dont il nous montre les principaux apôtres groupés, dans une touchante union [...]. Mais, pour l’amour du ciel et de la vérité, que fait là ce portrait de Delacroix, placé derrière eux ? », s’enflamme un critique décontenancé. Théophile Gautier s’étonne de voir « Baudelaire, avec son regard sérieux et son sourire ironique [...], dans ce cadre bizarre où Fantin réunit autour du médaillon d’Eugène Delacroix, comme les comparses d’une apothéose, le cénacle des peintres et des écrivains dit réalistes. »


Ingres, l'Apothéose d'Homère, 1827, Photo © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda

Certes, ce grand tableau exprime la révérence envers un peintre que l’Exposition universelle de 1855 avait donné, aux côtés d’Ingres, en exemple à la génération des apprentis qui embrassent une carrière artistique au milieu du XIXe siècle. Plus qu’une allégeance à un style, Fantin-Latour célèbre évidemment son illustre prédécesseur – dont il ne dit rien de la manière, préférant une évocation à travers un portrait photographique.

Par son tableau, Fantin-Latour convoque d’ailleurs Ingres, autre grande voix de l’excellence de la peinture française du premier XIXe siècle, en renouvelant la formule de l’Apothéose d’Homère, conçue en 1827. Après avoir envisagé sur les conseils de Baudelaire de grouper les génies de tous les temps, les premières esquisses préparatoires à l’Hommage montrent en effet le projet du couronnement d’un buste de Delacroix en présence de Muses et d’artistes en costume contemporain.


Philippe de Champaigne, Le prévôt des marchands et les échevins de la ville de Paris, Photo © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Gérard Blot / Christian Jean

Abandonnant finalement le défi de l’association de différents registres de composition, il préfère replacer la scène dans un environnement contemporain et plausible spatialement, conformément à une esthétique plus réaliste dont la filiation avec une autre œuvre, Le Prévost des marchands et les échevins de la ville de Paris de Philippe de Champaigne ou Le Banquet des officiers de la garde civile de Saint-Hadrien de Franz Hals.

 


Texte extrait du catalogue "Fantin-Latour. À fleur de peau",

en vente dans Les Boutiques de musées

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