Niki de Saint Phalle entre la France et les Etats-Unis

2 décembre 2014
Française de naissance, naturalisée Américaine, puis Suisse, Italienne de cœur, Niki de Saint Phalle est une citoyenne du monde comme elle aime à se décrire.

De par son père, Niki de Saint Phalle est issue d’une vieille famille de la noblesse française. Parti aux Etats-Unis avec ses frères ouvrir une banque, le comte André Fal de Saint Phalle épouse Jeanne Jacqueline Harper, américaine mais de mère Française.



Catherine Marie-Agnès Fal de Saint Phalle naît à Neuilly-sur-Seine le 19 octobre 1930. Elle est élevée quelques temps par ses grands-parents paternels au château d’Huez dans la Nièvre alors que sa mère est partie rejoindre son mari Outre-Atlantique. Ses parents l’emmènent en Amérique en 1933. Elle est alors rebaptisée Niki par sa mère et sera naturalisée américaine en 1942. A la maison le français est de mise et l’éducation a la rigueur du passé nobiliaire des Saint Phalle. Niki voyage en France avec ses parents en 1946 et se promet d’y revenir. Ce sera chose faite en 1952 : elle s’installe à Paris avec son premier mari, Harry Matthews.

 
Niki de Saint Phalle, Tir de Jasper Johns, Moderna Museet Stockholm (c) Laurent Condominas

Les origines de Niki de Saint Phalle sont doubles. Elle est d’ailleurs vue comme une Américaine en France et une Française aux Etats-Unis. Toujours une étrangère. D’autant plus que l’artiste entretient des relations tendues avec le pays où elle a grandi et a du mal à se considérer comme Américaine. Ce double statut, s’il est source d’ennui administratif – elle perd la nationalité américaine pour n’avoir pas régularisé sa situation, ce qui est l’une des raisons de son mariage avec Jean Tinguely – n’a pas que des inconvénients.





Au début des années 1960, les Nouveaux Réalistes se rapprochent de deux artistes américains : Jasper Johns et Robert Rauschenberg. Bilingue et à moitié Américaine, on peut imaginer l’importance de Niki dans ce voisinage. Le travail de la jeune femme entretient d’ailleurs des liens avec celui des deux néo-dadaïstes. Ils retrouvent Niki dans plusieurs expositions collectives et tous deux prennent part avec enthousiasme à plusieurs Tirs. Parmi diverses collaborations, Niki leur rend hommage avec deux Tirs à leurs noms (1) qu’elle présente à l’exposition « Feu à volonté » en 1961. Si l’influence américaine est perceptible dès ses travaux les plus anciens, ses doubles origines lui permettent aussi d’intéresser le marché de l’art et les institutions américaines. Ainsi, dès 1969, le Whtiney Museum of American Art de New York, qui ne collectionne alors que de l’art américain, achète une Nana, Black Venus (1965-67), et l’expose lors de l’accrochage « Contemporary American Sculpture, Selection 2 ». Dans le même sens, l’artiste fera partie de l’exposition « Paris/New York » qui se tient au Centre Georges Pompidou en 1977.


Vue du Jardin des Tarots, Garavicchio, Italie, © Laurent Condominas

Mais Niki de Saint Phalle ne s’attache que peu aux frontières. Elle devient Suisse en 1971 lors de son mariage avec Jean Tinguely et restera très attachée au pays. Choisissant l’Italie pour la construction de son pharaonique Jardin des Tarots, elle apprend l’italien pour communiquer avec ses ouvriers et avouait volontiers : « Ils m’ont ouvert le cœur et une partie de moi est désormais italienne. » (2)



Mais c’est aux Etats-Unis qu’elle finira sa vie. Son asthme et ses problèmes pulmonaires requièrent un climat sec. Elle déménage en 1993 à San Diego en Californie où elle découvre avec bonheur l’importance des cultures indiennes et mexicaines qui nourrissent alors son œuvre et auxquelles elle rend hommage dans son dernier projet : le jardin Queen Califia’s Magic Circle à Escondido.

 

  1. Tir de Jasper Johns et l’Hommage à Rauschenberg (Shot by Rauschenberg).
  2. Niki de Saint Phalle in Catherine Lawless, Artistes et ateliers, Nîmes, Editions Jacqueline Chambon, 1990, p.240.

 

Mickaël Pierson, Historien d’art

 




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