Qu'est ce que l'art productiviste ?
Qu'est ce que l'art productiviste ?
Au lendemain de la révolution d’Octobre, un groupe d’artistes d’avant-garde, réunis autour de la revue L’Art de la Commune (1918-1919), puis du Front gauche de l’art (LEF, 1923-1925), veut rompre avec l’art bourgeois du passé. Dans le sillage de Vladimir Tatline, ils entendent transformer la culture matérielle de leur temps et façonner de nouvelles conditions d’existence pour le prolétariat. Pour eux, l’art ne doit pas être une activité autonome, fondée sur l’inspiration de l’artiste, au service de la beauté. Non, l’art doit être conçu comme un véritable métier qui, grâce à la maîtrise de la technique, vise à produire des objets utiles et capables de changer la vie quotidienne.
À Moscou, ces productivistes, menés par Alexandre Rodtchenko, s’imposent au sein de l’Inkhouk, l’Institut de la Culture artistique, et prennent la tête de plusieurs sections des Vkhoutémas, les Ateliers supérieurs d’art et de technique. Le rejet de la peinture de chevalet les amène à se tourner vers de nouvelles expressions artistiques comme le design, la « réclame » ou le photomontage. Leurs idées s’appliquent au théâtre avec les mises en scène de Meyerhold dont les décors, réalisés notamment par Lioubov Popova et Varvara Stépanova, se présentent comme des constructions fonctionnelles, et les acteurs, en tenue de travail, se déplacent selon les lois de la « biomécanique ».
Mais les artistes productivistes rêvent d’aller plus loin, en entrant dans l’industrie. Suivant les théories d’Ossip Brik et de Boris Arvatov, ils veulent se faire techniciens, ingénieurs. En 1923, Popova et Stépanova sont parmi les rares à franchir le pas en se faisant recruter dans une fabrique de tissus, où elles dessinent des dizaines de modèles à figures géométriques. L’expérience tourne court : les artistes peinent à être entendues et demeurent en marge de la production. Après la guerre civile, dans un pays qui manque de ressources, l’art productiviste n’a que peu dépassé le stade de l’utopie.