Comment Gertrude Stein est devenue une icône de l’avant-garde littéraire et artistique
Les deux premiers succès de Gertrude Stein
Gertrude Stein rencontre un succès public inattendu avec son livre Autobiographie d'Alice B Toklas paru en 1933, 30 ans après ses premiers écrits. Elle raconte, à travers les yeux de sa compagne Alice, sa vie épique à Paris. Le magazine Times lui dédie sa Une en septembre de la même année et elle signe un contrat avec les Editions Random House dans la foulée. Toutefois, cet ouvrage est assez classique et éloigné de son inventivité littéraire.
L’année suivante est joué pour la première fois l’un de ses opéra à Hartford en 1934 qui connait un véritable triomphe aux États-Unis : Four Saints in Three Acts (Quatre saints en trois actes), écrit quelques années plus tôt en collaboration avec le compositeur et ami Virgil Thomson, le "Satie américain". Événement exceptionnel dans l’Amérique ségrégationniste des années 1930, Thomson fait appel à un chœur noir, recruté dans les églises et boîtes de nuit de Brooklyn et de Harlem, en pleine renaissance. C’est par les arts vivants que l’œuvre de Gertrude Stein commence à être diffusé et repris !
Une reconnaissance tardive dans l’art américain
De jeunes artistes américains, en dehors des milieux littéraires confirmés, explorent pleinement l’œuvre littéraire de Stein dans les années 1960. Ils explorent ses potentialités poétiques, performatives et sa radicalité esthétique. Ces artistes érigent Stein en référence de l’avant-garde américaine, qui devient une icône pour les milieux de la contre-culture new-yorkaise, le mouvement néo-dada Fluxus puis innerve l’art minimal et l’art conceptuel américain.
Le compositeur John Cage est l’un des premiers parmi eux, écrivant à la manière de Stein, jouant des sonorités et répétitions, manipulant les mots de la vie quotidienne et mettant le bruit en musique. Le danseur et chorégraphe de Merce Cunningham, les élèves du Black Mountain College comme Robert Rauschenberg ou Ray Johnson, bientôt rejoints par Andy Warhol et Nam June Paik s’inspirent de Stein pour développer une pratique expérimentale et collaborative dans leurs arts. Ils déconstruisent le langage et fusionnent les disciplines artistiques dans un "présent continu" à la manière de Stein.
La révolution poétique de Stein, devenue icône littéraire
Stein travaille les mots comme de la matière, faits de poids et volumes. La répétition, en tant que structuration rythmique et circulaire, est adoptée par beaucoup d’artistes comme Donald Judd, Robert Morris, Carl Andre, Dan Flavin ou Andy Warhol. Joseph Kosuth, lui, privilégie la tautologie comme mode d’expression et répond aux Five words in a line de Stein littéralement par Five Words in Blue Neon (1965).
La critique Barbara Rose met en avant, dans un article fondateur en 1965, le rôle de Stein dans l’émergence du minimalisme qu’elle qualifie de "ABC Art", en réaction au mouvement romantique et subjectif de l’expressionnisme abstrait.
Plus loin, Stein est à l’origine d’une véritable révolution poétique : son art est perçu comme un geste politique, un acte de déconstruction et de libération. Le poète William Carlos Williams l’affirme clairement :
Admirez le parcours et l'influence de cette icône de l’avant-garde littéraire au Musée du Luxembourg, encore jusqu’au 28 janvier prochain.