Entretien avec Ludovic Lagarde, metteur en scène de nocturnes animées au Musée du Luxembourg

20 octobre 2023
Pour enrichir votre visite de l’exposition « Gertrude Stein et Pablo Picasso. L’invention du langage », des performances et lectures mises en scène par Ludovic Lagarde autour de l’écriture de Gertrude Stein vous attendent au Musée du Luxembourg, en nocturne ! La genèse de ce projet, ce que vous réservent ces soirées ? Entretien avec Ludovic Lagarde.


Ludovic Lagarde
Ludovic Lagarde © Maxime Chermat, 2023
Qu'est-ce qui vous passionne dans l'écriture de Gertrude Stein ?

Ludovic Lagarde : Son écriture m’a passionné très vite et bouleversé aussi. J’adore son esprit, son rythme, son extravagance et son style, cette mélopée si particulière qui répète et insiste, tourne autour de son sujet pour s’adresser au lecteur ou spectateur avec tant de malice, de confiance et d’intelligence.

La femme aussi m’a fascinée, ainsi que le couple qu’elles ont formé avec Alice Toklas. Gertrude Stein n’était pas seulement à l’avant-garde de l’art moderne mais aussi de celle de la liberté et de l’émancipation !

Comment avez-vous découvert Gertrude Stein ?

Ludovic Lagarde : J’avais entendu parlé de Gertrude Stein dans ma jeunesse, mais je l’ai vraiment découverte avec la création magnifique d’un opéra de Pascal Dusapin dans une scénographie et des lumières de James Turell, To be Sung en 1994, à Nanterre-Amandiers.

Puis ce fût à travers les spectacles de Bob Wilson et en particulier Saints and Singing en 1997, une création théâtrale et musicale que j’avais adoré.Olivier Cadiot, écrivain et poète, avait traduit le livret de To be Sung, opéra adapté de A Lyrical opera made by two; nous en avions lu des extraits dans des programmes de lectures publiques que j’avais appelé : Variétés.

En 2000 j’ai réalisé une première mise en espace de Doctor Faustus Light the light avec Laurent Poitrenaux. Texte qu’Olivier Cadiot a traduit par la suite et que j’ai mis en scène en 2012 à la Comédie de Reims et aux Bouffes du Nord avec la création musicale et les chansons de Rodolphe Burger.

Entre temps en 2004, j’ai créé Oui dit le très jeune homme, la dernière pièce de Stein, au festival d’Avignon aussi dans une traduction d’Olivier Cadiot.

Comment est né le cycle de lectures et performances que vous proposez au Musée du Luxembourg ?

Ludovic Lagarde : Olivier Cadiot m’a donné un exemplaire de Lectures en Amérique quand j’ai commencé à me mettre au travail pour préparer ce cycle en écho de la belle exposition au musée du Luxembourg.

J’ai tout de suite pensé que ces cinq conférences écrites par Stein permettraient de faire entendre le style de Stein, sa prose et sa poésie, mais aussi sa pensée pratique et théorique sur l’art, la littérature et la peinture en particulier.

Quels sont les thèmes des lectures sélectionnées et comment sont-ils liés à l’exposition ?

Ludovic Lagarde : Lorsque Gertrude Stein découvre les premiers toiles cubistes de Picasso, c’est un choc. Elle décide alors d’en chercher une équivalence littéraire.

En écoutant Lectures en Amérique on comprend, je crois, l’importance de la révolution que Gertrude Stein a opéré sur sa propre écriture et l’influence énorme que cela a pu avoir sur la littérature du vingtième siècle. Tout y passe : la grammaire, la ponctuation, les sujets, l’abstraction, la couleur, la composition, le portrait, le rythme etc…tout est revu de fond en comble.

Quel dispositif avez-vous prévu pour ces lectures ?

Ludovic Lagarde : Chaque lundi soir hors vacances scolaires, les spectateurs sont invités à s’installer dans la salle Tivoli adjacente aux salles de l’exposition du Musée du Luxembourg, comme dans un salon qui évoquerait l’atelier du 27 rue de Fleurus où a vécu et travaillé Gertrude Stein en compagnie d’Alice Toklas de 1903 à 1938 - et qui se trouve à deux pas du musée.

J’ai proposé à cinq femmes, cinq comédiennes magnifiques, de lire chacune la conférence de leur choix. Les prochaines lectures auront lieu les lundis 6 et 20 novembre, 4, 11 et 18 décembre et 8 janvier.

Pourquoi avoir choisi uniquement des comédiennes pour lire les « Lectures en Amériques » ? Qui sont-elles ?

Ludovic Lagarde : J’ai eu la chance de travailler pour la première fois avec Dominique Raymond pour la mise en scène de Quai ouest de B.M Koltes en 2022. Je collabore depuis 2004 avec Christèle Tual, qui était Constance dans Oui dit le très jeune homme de Gertrude Stein et qui a récemment interprété Sur la voir Royale d’Elfriede Jelinek. Nous avons créé avec Valérie Dashwood plusieurs texte d’Olivier Cadiot et Harold Pinter depuis 2001, et Doctor Faustus light the light de Gertrude Stein en 2010. Daphné Biiga Nwanak, interprète, autrice et metteur en scène fût mon élève à la Comédie de Reims avant d’intégrer l’école du Théâtre National de Strasbourg et Léa-Luce Busato fût élève de la même école du TNS et qui fut Claire dans Quai ouest en 2022.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la soirée « Fairy Queen » et sur la performance que proposera Yves-Noël Genod ?

Ludovic Lagarde : En 2004 au festival d’Avignon je n’avais pas seulement créé Oui dit le très jeune homme, une pièce « de » Gertrude Stein, mais aussi Fairy Queen d’après un livre de Cadiot, une pièce « chez » Gertrude Stein.

C’est en effet l’histoire d’une jeune artiste-fée-contemporaine, qui est invitée à déjeuner chez Gertrude et Alice dans leur atelier de la rue de Fleurus. Cela évoque le passage obligé des jeunes poètes américains de l’entre-deux guerres qui rendaient visite à Gertrude Stein. Valérie Dashwood, Philippe Duquesnes et Laurent Poitrenaux qui créèrent cette pièce puis la jouèrent notamment au théâtre de la Colline à Paris et au 59E59 à New York, liront ce texte exceptionnellement le lundi 27 novembre.

Photo de groupe
Laurent Poitrenaux, Dominique Reymond, Philippe Duquesne et Valérie Dashwood © Maxime Chermat, 2023

J’ai eu par ailleurs envie de proposer à Yves Noël Genod de participer à cette aventure. J’ai eu l’intuition que cet artiste talentueux, passionné de littérature, à la fois délicat et extravagant, avait quelque chose à faire avec Gertrude Stein. Et ce fût vrai. Yves Noel m’a proposé de lire des extraits d’un des romans les plus célèbres de la géniale écrivaine américaine Autobiographie d’Alice Toklas. Cette performance aura lieu les lundis 13 novembre, 15 et 22 janvier 2024.

 


Une expérience à ne pas manquer au Musée du Luxembourg, tous les lundis soirs, hors vacances scolaires !

Entrée gratuite avec le billet de l'exposition, dans la limite des places disponibles.

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