Quand Fernand Léger découvre Charlie Chaplin en 1916, lors d’une permission avec Guillaume Apollinaire, il pense aussitôt arrêter la peinture !
« J’ai été tellement pris par le cinéma que j’ai failli lâcher la peinture » (Fernand Léger à Dora Vallier en 1954)
Comment la peinture pourrait-elle en effet "mettre en oeuvre le mouvement" comme le fait le cinéma ? Cette obsession nouvelle pour la représentation du mouvement le conduit à bousculer les codes esthétiques de la peinture de chevalet et à s’aventurer lui-même sur les plateaux de cinéma : Fernand Léger est considéré comme l’un des pionniers majeurs de l’avant-garde moderne !
Dans une exposition inédite, le musée national Fernand Léger retrace l’histoire d’amour de cet artiste, peintre, créateur d'affiches et de décors, réalisateur, producteur ou même acteur, avec le Septième Art. L’exposition s’intéresse à sa cinéphilie inépuisable et éclectique née de sa découverte des pantomimes burlesques de Buster Keaton et Charlie Chaplin, et nourrie par les dessins animés de Walt Disney, les westerns de John Ford, les films documentaires ou encore les films populaires de Marcel Carné… Rien de ce qui défile sur grand écran n’échappe à son regard artiste en quête de nouveaux défis.
Ce qui le fascine chez Charlot, c’est la gestuelle saccadée du personnage, s’animant au rythme de la musique, ce que Bergson appellera « la mécanique plaquée sur le vivant » (Le Rire) ; c’est aussi le rôle des accessoires, canne et chapeau melon, qui dépassent les seuls gadgets pour devenir des objets cinétiques à part entière.
Ce qui le fascine encore chez Charlot, c’est la poésie qui nimbe les séquences filmiques d’une émouvante humanité, celle d’un clown mélancolique. Le dramaturge Samuel Beckett dira plus tard avoir été lui aussi habité par ce génie comique qui dit la tragédie des Temps modernes : la mécanisation des corps portée à l'écran traduit la déshumanisation d’une société qui broie les plus humbles sous le poids du travail à la chaîne, né du fordisme. Cette dimension sociale intéresse Fernand Léger qui voit dans le cinéma un médium pour sensibiliser le public.
À travers la rétrospective imaginée par le musée national Fernand léger, le visiteur comprend comment depuis Le choc de la roue d’Abel Gance que Fernand Léger découvre en 1922, jusqu’à sa création cinématographique de Ballet mécanique en 1924, en passant par sa collaboration avec Marcel L’Herbier sur le plateau de L’Inhumaine en 1923, son travail a toujours été animé par l’esthétique de la machine.
Si Fernand Léger, contrairement à Pablo Picasso, ne rencontrera jamais en chair et os celui qui restera pour lui « l’homme-image », il participera bel et bien à la création du mythe chaplinien.
Chapeau bas à une exposition qui fait la part belle à la naissance du cinéma et ouvre le dialogue entre la peinture avant-gardiste et le Septième Art !
L'exposition Léger et le cinéma est organisée par les musées nationaux du XXe siècle des Alpes-Maritimes et La Réunion des musées nationaux - Grand Palais.
Les expositions de Biot et de Belfort partagent un catalogue scientifique commun, publié par les éditions de la Réunion des musées nationaux - Grand Palais.
