Fernand Léger, un artiste ex-machina !

29 août 2022
La puissance de vie que génère la machine industrielle sur grand écran est une quête quasi obsessionnelle pour l'artiste Fernand Léger. Découvrez son talent pour le cinéma jusqu'au 19 septembre, à Biot !

Les années 1920-1940 marquent l'essor de la machine industrielle. Par sa dimension futuriste, elle devient un motif esthétique au cinéma, ce qui n'échappe pas à l'acuité du peintre cinéphile. Il voit dans la machine un symbole du savoir-faire humain moderne et un objet esthétique, au même titre qu’une œuvre d’art. 

La machine, avant-garde et mise en garde

La machine industrielle hante en effet l’imaginaire de Fernand Léger et de ses confrères. On pense à Fritz Lang et à son film emblématique Métropolis réalisé en 1927. Et on se souvient de l’attachement de Fernand Léger pour le personnage burlesque de Charlot. Dans Les Temps Modernes, la scène culte reste celle de la confrontation du personnage avec une machine conçue pour le nourrir mais qui finit par lui donner des claques. Comble du progrès ! 

Car la machine porte en elle ce paradoxe que mettent en scène les artistes de ce début de 20ème siècle : force vitale et source de progrès, mais germe d’une menace pour l’humanité. L'expérience de la première guerre industrielle en 1914-18 a démontré sa puissance mortifère. 

Cette réflexion avant-gardiste, qui questionne déjà les limites de l'humain, Fernand léger la déclinera dans ses peintures et ses films.

Fernand Léger, chef décorateur 

En 1923, quand Marcel L’Herbier propose à Fernand Léger de collaborer au film de science-fiction, L’Inhumaine, l’artiste répond présent ! Ce dernier ne peut rester indifférent au défi artistique "Art déco" proposé par le réalisateur. Il devient chef décorateur.

L'Inhumaine (Marcel L'Herbier), affiche, 1924, lithographie couleurs, © Droits réservés / photo Coll. Cinémathèque française

Fernand Léger transpose ses propres recherches picturales dans l’invention des décors mobiles en 3D du film, il invente le décor du laboratoire.

Ce lieu devient le creuset de tout ce qui le passionne :  les progrès de la science, l’essor de la machine industrielle, le goût pour une esthétique futuriste et la représentation du mouvement.

Bref, le laboratoire constitue un espace d’expérimentation pour Einar Norsten à l’écran, et pour Fernand Léger dans les coulisses ! Véritable constructeur, le peintre se glisse dans les vêtements d’un ouvrier, manipulant scie et clous pour donner vie à ce que son imaginaire a façonné. On ne peut s'empêcher de penser au tableau Le Mécanicien, autoportrait du peintre et sorte d'hybride moderne qui traduit une vision optimiste du progrès technique, promesse d’une vie meilleure.

De la toile à l'écran, l'image s'anime

Ce qui retient toute l’attention du peintre-cinéaste dans le projet de Marcel L'Herbier, c’est d'ailleurs la machine qui trône au centre du laboratoire. Personnage à part entière, elle promet à Claire la résurrection, faisant du jeune savant, un démiurge (créateur de vie) des temps modernes.

Les éléments mécaniques du décor conçu par Fernand Léger, se mettent en mouvement et le dynamisme de la machine se transmet à Claire qui revient à la vie. La succession des plans d’ensemble et des gros plans, renforcée par un montage saccadé, met en lumière les virtuosités du décor, constitué de contreplaqués, de cartons, de courbes et de cercles.

On assiste par la magie du cinéma à la transposition sur grand écran en trois dimensions d’un tableau de Fernand Léger au nom prophétique, Composition mécanique, datant de 1918.

La mécanique à l'œuvre 

Dans Ballet mécanique, dont le titre est également porteur de sens, Fernand Léger poursuivra ce travail : il s’agira aussi d'animer (au sens étymologique "insuffler la vie") les mannequins d’une vitrine de magasin. 

Pour ce film, Fernand Léger puise dans son expérience de décorateur pour construire des effets de gros plans, de changements d'échelles et de rythmes d'images, d'objets et de visages en mouvements.

Le cinéma assouvit chez Fernand Léger un désir profond, celui de donner vie par la magie de l'image mobile, à ce qui était jusqu’à présent, figé sur la toile !

Pari réussi pour Fernand Léger qui suit la roue de sa fortune artistique, depuis sa rencontre avec Abel Gance (Le choc de la roue) jusqu’à sa collaboration avec Hans Richter (Dreams that money can buy) !

Cette épopée du cinéma muet à laquelle participe Fernand léger est l’objet de l'exposition inédite "Fernand Léger et le cinéma" à Biot, jusqu’au 19 septembre.

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L'exposition Léger et le cinéma est organisée par les musées nationaux du XXe siècle des Alpes-Maritimes et La Réunion des musées nationaux - Grand Palais



Les expositions de Biot et de Belfort partagent un catalogue scientifique commun, publié par les éditions de la Réunion des musées nationaux - Grand Palais.

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