Les femmes mises à nu

16 mai 2012

Par Dimitri Beck, Polkamagazine.com

Libertin, voyeur ou coquin, Helmut Newton ? Audacieux et provocateur assurément. Dans les années 70, Newton casse les codes du politiquement correct. Finie l’image lisse de la femme stylée en élégant tailleur ou celle glamour de stars d’Hollywood. Avec Newton, la femme enlève tout, pose nue et ne garde sur elle que quelques artifices, symboles de sexualité, de fétichisme et de masochisme. L’heure est à la féminité affirmée, décomplexée, désinhibée, un virage à 180° par rapport aux séances photo sages pour Courrèges qu’il a réalisées en 1964.
La révolution sexuelle est passée par là. Les commandes pour le magazine américain de charme Playboy aussi. Jeune déjà, Newton se souvient de sa nounou « à moitié dévêtue devant un miroir » et des séances d’essayage au côté de la photographe de mode Yva dans le Berlin décadent des années 30, quand il n’était qu’apprenti.

Esprit libre, Newton met fin aux tabous. Il impose le nu, là où on ne l’attend pas, dans la mode et la publicité. Dans des milieux habitués à montrer le produit pour le vendre, Newton, lui, déshabille la mode. Son style « porno chic » frôle le mauvais goût qu’il affectionne tant, et fait grincer des dents les féministes ; ça l’amuse. Sous son objectif, la femme est forte, fière de sa féminité et joue la dominatrice. Les corps de ses modèles sont athlétiques, sculpturaux. Les Grecques avaient leurs Apollons. Newton, lui, exhibe ses Amazones des temps modernes. Certaines sont redoutables comme ses « grands nus », inspirés par des photos d’identité judiciaire de terroristes allemands ; d’autres inattendues dans la série « habillé/déshabillé ». En un clin d’œil, le spectateur retire le pantalon d’une femme flic, comme s’il avait des lunettes « déshabillantes ».
La vision est surréaliste, fantasmatique. Dans un appartement chic, un jardin public, à l’arrière d’un taxi, juste vêtue d’un manteau de fourrure ou totalement nue, la femme newtonienne n’a rien de madame-tout-le-monde. Elle prend les traits de grandes bourgeoises, celles que le photographe a toujours connues et côtoyées, celles qui sont habituellement inaccessibles. Newton aime ces femmes. Curieux de leur mystère, il se focalise sur leur intimité. Une obsession qu’il fige dans un autoportrait devant « L’origine du monde » de Gustave Courbet au musée d’Orsay.  Après tout, nous venons tous de là.

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Grands nus IV, 1980, Paris © Helmut Newton Estate

(A lire aussi : Série noire par Helmut Newton dans le dernier numéro de Polka Magazine en vente à la librairie du Grand Palais et en kiosques)

 

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