Paris, je t’aime

18 juillet 2012

Par Dimitri Beck, Polkamagazine.com

Paris, ville maîtresse. Dès son arrivée en 1956 au volant d’une Porsche blanche aux sièges en cuir rouge après un tour d’Europe avec sa femme June, c’est le coup de foudre. C’est « la ville qui m’allume le plus. Elle est comme une femme ».
Pour Newton, Paris a deux visages. Côté pile, historique et romantique. Côté face, pittoresque et canaille. Les sex-shops de Pigalle et son monde interlope au cœur de la ville l’attirent comme un papillon l’est par la lumière. « Les putains et les petits hôtels se trouvaient rue Saint-Denis. Chaque porte cochère, chaque café, le moindre bouge, était bondé de prostituées. (…) Ce n’était pas un quartier rouge, la vie ordinaire y suivait son cours. Les immeubles n’étaient pas tous des hôtels de passe et des gens comme les autres y habitaient. La femme qui sortait faire ses courses avec son gosse passait devant cent putains. (…) La vie quotidienne se mêlait au péché. »

Le Paris des Newton ne se limite pas aux quartiers chauds. Il est fait de bars et de brasseries : Lipp, la Coupole, le Fouquet’s et le Harry’s Bar, des endroits devenus mythiques. Partout dans Paris déambulent « les plus belles femmes du monde qui [y] venaient pour porter les nouvelles créations ». C’est le temps de « l’âge d’or des grands défilés parisiens ». Si Newton affectionne les shootings dans les palaces et les gratte-ciel qui surplombent Paris, son air de jeu favori est à l’extérieur.

Trop à l’étroit dans un studio photo, Newton descend dans la rue. Façon reporter avec deux appareils, quelques objectifs et un flash dans un sac. Le dandy allemand s’imprègne de la ville, du « bruit de la circulation », de « l’allure des voitures ». Tout l’inspire. « Même les bus, avec leur plateforme à l’arrière. L’odeur des Gitanes. La moindre particule de Paris était une joie », raconte-t-il dans « Autoportrait »*.

Newton n’est pas un street photographer comme un autre. Là où les touristes fixent l’histoire et les belles architectures, lui, déshabille ses sculpturaux mannequins. Dans le Paris musée, il fait poser les femmes qu’il imagine libres, maîtresses d’elles-mêmes et de leurs fantasmes. Des modèles aux allures de bourgeoises posent nus sous leur manteau de fourrure, en pleine rue et en plein jour, au jardin des Tuileries ou en voiture avec chauffeur.

Newton est aussi un oiseau de nuit. Il y a un éclat de Brassaï, « maître de la photo nocturne », chez lui. La lumière des lampadaires et celle des phares de voitures contribuent à créer une mise en scène dramatique qui trahit une autre fascination, celle pour les faits divers et les romans noirs.

Newton aime les sensations et les vertiges. Avec la tour Eiffel, il retrouve la tour radiophonique de Berlin qui lui est familière. « Petit, la Funkturm, me fascinait. C’est ma première photo. La tour Eiffel a le même effet sur moi, je ne peux pas m’empêcher de la photographier ». Newton a succombé au charme de notre dame de fer.

* « Helmut Newton, Autoportrait », éd. Robert Laffont

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Bergstrom over Paris, 1976, Paris © Helmut Newton Estate

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