On raconte que la tragédienne refusa la première affiche pensée par l’imprimerie Lemercier pour Gismonda, le drame de Victorien Sardou, à quelques semaines seulement de la première représentation, prévue le 4 janvier 1895.
C’est alors le jeune Alphonse Mucha, tout juste employé chez Lemercier, qui dut repenser le projet à la hâte, pour satisfaire la Diva ! La création de cet artiste jusque-là inconnu fut un succès : elle lui ouvrit les portes de la gloire … et du théâtre de la Renaissance !
C’est ainsi que Mucha produisit sept affiches théâtrales pour ce même théâtre, mettant en scène dans des postures solennelles, la comédienne iconique : Sarah Bernhardt, ou « La Berma » comme aimait à l’appeler Proust.
Véritable tragédienne, Sarah Bernhardt voit dans le travail de Mucha le prolongement de son art : il y a une véritable rencontre entre l'image magnifiée, sublimée qu'elle souhaite donner d'elle-même et le style de Mucha. Dotée d'un goût très sûr et d'un sens inné de la publicité, elle accorde une grande importance à son image. Leur collaboration durera 6 ans. Aux affiches s’ajouteront aussi décors, costumes et bijoux pour la scène.
En Gismonda, Sarah apparaît altière, dans une toge dorée, la tête couronnée de fleurs roses. En Samaritaine, elle pose pieds nus, sa longue chevelure détachée, vêtue d’une tunique plus simple. En courtisane, dans La Dame aux camélias d'Alexandre Dumas fils, elle devient une femme fleur se détachant sur un fond de ciel nocturne étoilé, vaporeuse et presque extatique.
En Lorenzaccio et Hamlet, travestie en homme, elle est habillée de noir par Mucha : l’affiche mime l’attitude songeuse de ces héros tragiques, préméditant un meurtre… En Médée, Sarah apparaît hiératique, couronnée d’épines, toisant ses enfants gisant à ses pieds.
Mucha crée des affiches comme de véritables œuvres d’art, illustrant les enjeux dramatiques des pièces théâtrales dans lesquelles la divine Sarah fait entendre « sa voix d’or ». Décor, graphie et couleurs sont adaptés à chaque pièce.
Les affiches créées pour le théâtre de la Renaissance sont toutes composées sur le même principe : leur format est vertical et étroit, et l'actrice en occupe seule toute la hauteur dans le costume du rôle qu'elle joue, un arc de cercle auréolant sa tête. L'actrice semble occuper une niche à la façon d'une statue dans une église.
Le style Mucha mêle des sources d'inspiration diverses : les arts populaires de Moravie, la tradition baroque tchèque, l'art byzantin, les estampes japonaises.
Lancé par le succès immense de cette collaboration avec Sarah Bernhardt, Alphonse Mucha obtient de nombreuses commandes d'affiches jusqu'à son retour à Prague en 1910.
Pour tout savoir sur la collaboration de Mucha avec Sarah Bernhardt, assistez à l'événement Quand Mucha rencontre Sarah, le mercredi 31 mai à 18h30 au Grand Palais Immersif ! Important : le soir de la conférence, le musée fermera exceptionnellement ses portes à 17h, mais la conférence restera bien accessible.
