Depardon, la clé des champs

27 janvier 2014
Plus géant vert que macadam cowboy, c’est à reculons que Depardon aborde la ville. Une réticence qu’il a pourtant toujours essayé de dompter.

Raymond Depardon, Puerto Eden, Chili, 2007 © Raymond Depardon / Magnum Photos

« Sans doute ai-je toujours des comptes à rendre avec la ville. J’ai une relation d’amour haine avec l’urbain. Dès que je m’en éloigne, la ville me manque.» Infidèle ou plutôt allumeur, Depardon flirte avec la ville, sans jamais vraiment conclure. Il la jauge, l’appréhende sans grande conviction, la fuit, et y revient, invariablement. Qu’il sillonne la France en camping car (2004-2011), ou qu’il parcourt douze capitales à la demande de la Fondation Cartier, de Tokyo à Addis-Abeba (2004-2006), la ville selon Depardon a toujours de faux airs de campagne. Un rapport à l’espace, une solitude, un désœuvrement, un vide. Force est de constater qu’il troque volontiers le bitume pour la verdure.



Rien d’étonnant pour ce fils de paysan, élevé au grand air : « Le monde rural avait été mon premier sujet. J’ai photographié tout ce qui m’entourait à la ferme du Garet». Une première fois à l’empreinte indélébile. Partout, il retrouvera des images, des gestes, des ambiances le rappelant à ses souvenirs d’enfance, comme ce jour au Chili sur les terres des Mapuches : « Des paysans labouraient avec des bœufs que de jeunes garçons aiguillonnaient – un instant, je me suis revu, enfant, avec mon père. » Un décor d’autant plus familier qu’il en partage les valeurs : « Je me sens bien sur les deux continents, l’Afrique et l’Amérique latine, qui ont encore une dimension rurale. J’y trouve une franchise, un universalisme, un humanisme. » A propos de la Bolivie, du nord de l’Argentine ou du Chili, il parle encore de « gravité », comme s’il se retrouvait dans l’austérité brute de ces grands espaces. A l’inverse, il remarque : « Le paysage urbain n’est pas mon univers. Ni Beyrouth, ni Glasgow ne sont mon univers. De même, j’ai souffert à mon arrivée à Paris : j’étais un exilé de l’intérieur ».



Face à l’inconnu citadin, Depardon, l’étranger, ruse. En ville, il évite le centre, lui préfère la périphérie. S’il tourne autour du pot, c’est peut-être parce que c’est ce qu’il connaît le mieux, les bords : “Enfant, je me rendais à vélo à l’école de Pontbichet; je longeais ces zones périurbaines que l’on retrouve partout en France, avec une succession de pavillons entourés de jardinets.” Ne donner à voir que ce que l’on a vu, de sorte que la permanence d’un motif en dise long. Si long que c’est à lui que l’on pense quand il souligne, au sujet des photographes américains, leur « relation particulière à la ruralité, à l’espace », comme si le paysage était pour eux « une manière de se confronter à leur histoire”.

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