Interview : Rémi Bezançon et Jean-Christophe Lie

20 mars 2012


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Zarafa

est un film d’animation réalisé par Rémi Bezançon (réalisateur de : le Premier jour du reste de ta vie, Heureux Evénement) et Jean-Christophe Lie, en salle depuis le 8 février.
Le film s’inspire de l’histoire vraie de Zarafa, une girafe offerte par le Pacha d’Egypte au roi de France Charles X en 1827. Pour la première fois, une girafe foule le sol français.

 En quoi cette histoire vous a-t-elle touchée pour vouloir l’adapter ?

Il s’agit d’une part d’histoire de France qui est méconnue et pourtant incroyable ; une girafe arrive dans la France de 1827, depuis le port de Marseille jusqu’à Paris. 600.000 français découvrent pour la première fois cet animal incroyable. C’est alors un véritable engouement, une vraie « girafomania » ; on a même crée une robe girafe et un vélo en girafe à l’époque!  Imaginez la girafe avec sa hauteur et son museau, ce devait être une vision monstrueuse, presque une figure mythologique, comme une licorne.
Mais ce qui m’a touché dans cette histoire, c’est la bêtise humaine de délocaliser les animaux (et surtout les êtres humains dans le cas d’esclavagisme). Pourquoi les animaux devraient venir à nous et s’arracher à leur terre, alors que nous pourrions aller vers eux, si bien sûr nous en avons les moyens. L’histoire de Zarafa est une histoire sur la Liberté ; la girafe vit comme un enfermement quand elle est installée au Jardin des Plantes.

Vous protestez contre le principe des zoos ?

Tout dépend des zoos. Quand j’étais enfant à Paris, je me souviens avoir été très triste en regardant les loups dans leur cage, tout pelés et qui tournaient en rond.  Mais, il y a peu de temps, j’ai visité le zoo de Singapour... qui est magnifique. C’est un parc naturel qui laisse une sensation de liberté aux animaux.

Pour incarner le personnage de Zarafa, vous avez choisi la voix de Deborah François. En quoi une girafe est-elle féminine ?

Elle a de longs cils, une robe vive, une démarche gracieuse. Ce doit être difficile d’être un mâle girafe !!

Pour les dessins d’animation des animaux, d’où provient votre inspiration ?

Beaucoup des documentaires animaliers pour observer les attitudes et mouvements des animaux ; mais bien sûr, la bible de l’animateur, c’est le travail de Muybridge sur la décomposition du galop du cheval. La spécificité de la girafe est qu’elle marche l’amble, c’est-à-dire qu’elle pose d’abord ses pattes de droite (avant et arrière) puis ses pattes de gauche.  Une autre curiosité pour la girafe : elle est la seule qui peut atteindre ses oreilles avec sa langue !

Les dessins animés surtout (mais aussi dans certains récits comme Les fables de la Fontaine) utilisent beaucoup de figures animales « humanisées » ; elles rient, pleurent, se marient…. Qu’est-ce que permettent ces figures animales plus que les personnages humains ?

Le film n’utilise pas beaucoup d’anthropomorphisme, comme le font la plupart des dessins animés. Au contraire, il respecte au mieux les caractéristiques réelles des animaux. Là, la girafe ne parle presque jamais dans le film et elle n’émet pas de bruit, car en réalité, malgré son long cou, elle est muette. Des transformations ont été apportées, par petits dosages, comme les oreilles percées pour les vaches bouddhistes.

Qu’est-ce que pour vous, la Beauté Animale ?

Elle nécessite que l’animal soit dans son environnement ; l’animal perd sa beauté derrière les barreaux.  La beauté d’un animal est contenue dans sa grâce ; son instinct est ce qui le rend pur. Sa beauté est dans l’inné, hors de toute culture.
Ce qui m’interroge est pourquoi les jeunes enfants sont-ils autant attirés par les animaux ? Est-ce parce qu’ils partagent cet instinct, ces réactions héréditaires dont ils n’ont pas conscience ?

De façon spontanée, à quelle œuvre (peinture, sculpture…) pensez-vous en évoquant cette Beauté Animale ?

Spontanément, je (Rémi Bezançon) pense à La Corrida par Picasso. Je déteste pourtant la tauromachie mais l’œuvre est tellement forte et belle, malgré le dégoût que cela inspire. C’est tout le paradoxe de l’amour de l’Art sur un sujet qui déplait.

La « vraie » Zarafa (naturalisée) est exposée au Museum d’histoire naturelle de La Rochelle. Y est exposé aussi, l’Orang-Outan de l’impératrice Joséphine lequel a, lui aussi, a ouvert la voie entre l’Afrique et la France.

Voir la bande annonce du film ZARAFA

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