La couleur, éloge de la douceur
A bien regarder ce manteau rouge (Buenos Aires, Argentine, 2012), protagoniste d’une scène de rue anonyme, flirtant avec la persistance rétinienne, pas de doute, oui, il s’agit bien d’une célébration. Il aura fallu attendre la commande de la DATAR sur la France des années 80 pour que la « révélation » opère : la couleur, « trop importante », s’impose aux yeux de Depardon comme une évidence. Elle qui était pourtant partout, déjà, des saisonniers agricoles chiliens aux ruelles dévastées de Beyrouth, dense, envahissante. Même le gris orageux de Glasgow se faisait électrique.
Dès lors, rien d’étonnant à ce qu’il qualifie la couleur de « métaphore de la curiosité ». Ou qu’il convoque, à son endroit, d’intimes souvenirs: « Aujourd’hui quand je pense à la couleur, je pense à l’enfance, aux sucres d’orge, aux bocaux remplis de bonbons aux nuances douces ou acidulées ». S’il décide de retourner, spécialement pour cette exposition, dans cinq des pays qu’il avait déjà parcouru (Ethiopie, Tchad, Bolivie, Hawaï et Etats-Unis), c’est pour mieux en recueillir les contrastes, avec toujours le même souci de justesse : « En tant que photographe, il m’importe de rendre la couleur telle qu’elle est. Je suis un passeur. Je n’ai pas à densifier ni à éclaircir, à sur ou sous-exposer. » Comme si la couleur était à ses yeux autonome, souveraine. On pense alors aux mots d’un autre coloriste hors pair, Paul Klee : « La couleur me possède. Point n’est besoin de chercher à la saisir. Elle me possède, je le sais. Voilà le sens du moment heureux : la couleur et moi sommes un ».