Le passe-muraille
N’entre pas qui veut dans les appartements des dames. A moins de s’appeler Helmut Newton. Lui n’a pas besoin de forcer la porte ou de faire le pied de grue, planqué comme un paparazzi. Newton a les clefs. Toutes, en maître des lieux qu’il est.
Des hôtels particuliers cossus aux luxueux intérieurs de palaces, Newton ouvre les portes et fait de nous des voyeurs. L’homme qui rêvait d’être reporter et qui est devenu photographe de mode et de nu a un faible pour les lieux intimes : chambre à coucher, salle de bain et même toilettes… Newton, le facétieux et le malicieux, aime braver les interdits.
Il réalise des mises en scène baroques là où, a priori, l’on ne photographie point. Les modèles, en grandes bourgeoises athlétiques, posent dans des positions incongrues : ici à quatre pattes sur un lit ou assise à cheval sur le dos d’un fauteuil dans un salon près d’un piano ; là, nue, en position de table basse.
Le décor, souvent des appartements de type haussmannien à Paris, semble familier. C’est un peu comme fantasmer sur la voisine. Dans ces intérieurs domestiques, la femme newtonienne se retrouve souvent au cœur d’une intrigue. On repense à « Histoire d’O » où l’héroïne est soumise à des pratiques sadomasochistes dans un château. A la différence que, chez Newton, la femme n’est jamais esclave. Au contraire. Elle domine. La sacro-sainte morale du « politiquement correct » irritait le photographe.
A l’heure où la mode et la pub vendaient du rêve et des images lisses, Newton, lui, brise les tabous. Il montre une femme libre et indépendante qui s’encanaille dans l’intimité. Le photographe est devenu le précurseur et le libérateur d’une tendance, celle du partage avec un large public de l’espace privé.