Le tableau a connu plusieurs titres au cours de son histoire mouvementée : Femmes de Madrid en costume de majas, lors de sa première exposition publique dans la Galerie espagnole de Louis-Philippe, évolue lorsqu’il est associé au Temps, dit Les Vieilles pour devenir Les Jeunes ou Femmes lisant une lettre puis La Lettre.
Sous un ciel ensoleillé rendant l’ombrelle indispensable, une jeune femme et sa suivante se promènent en tenue de maja. La mode du majismo est élaborée au XVIIIe siècle dans les classes populaires de Madrid. Ce costume et celui du majo, son équivalent masculin, mettent en présence des éléments de la tenue traditionnelle espagnole et un comportement déluré. Une partie de l’aristocratie reprend ces codes, se montrant ainsi proche du peuple. L’ombrelle occupe une place importante dans cette scène de plein air. Elle est le sujet d’une autre oeuvre célèbre de Goya, le carton de tapisserie Le Parasol peint quarante ans plus tôt.
La jeune femme au corsage blanc est occupée à lire ce qui ressemble à une lettre, motif situé au centre du tableau et qui a fini par en devenir le titre. À cette époque, savoir lire est réservé aux classes sociales élevées auxquelles elle appartient sans doute. La présence d’une missive dans un tableau fait la plupart du temps allusion à une correspondance amoureuse. Serait-ce ici un billet doux ?
Un chien, souvent présent dans les portraits de Goya, participe à la promenade. Son attitude a pu être perçue comme insistante auprès de sa maîtresse et conforter l’interprétation du caractère galant de la scène. Si cet animal évoque fréquemment la fidélité, il a pu aussi être doté d’une signification lubrique. Mais dans la représentation de ce bichon ne réside aucune intention symbolique. À la fin du XVIIIe siècle, ces petits chiens de salon, inscrits dans la vie quotidienne de l’aristocratie, sont comme des accessoires de luxe. Ils sont appelés chien de manchon, pour leur format facile à loger dans cet accessoire.
Derrière les trois principaux protagonistes, on distingue des silhouettes esquissées, celles de lavandières lavant le linge. La rudesse de leurs contours fait écho à celle de la tâche laborieuse.
La Lettre, dit Les Jeunes, n’a pas de vocation décorative. Resté dans la famille de Goya, le tableau semble avoir été peint par l’artiste pour lui-même, sans répondre à une commande. A-t-il une intention satirique comme dans les planches des « Caprices » ? Le titre « Youth — a caprichios » qui lui est attribué dans le catalogue de la vente Lord Dailing chez Christie’s à Londres en 1873 le laisse entendre.
« Expérience Goya » vous raconte leur histoire extraordinaire sous la forme d’un roman scénographique. Pour en dérouler le récit, l’exposition à voir jusqu'au 14 février 2022 à Lille, conjugue oeuvres du maître, pièces modernes et contemporaines inspirées de son art dans une muséographie où projections et dispositifs numériques nous immergent dans le monde de Goya.
