Jean Paul Gaultier ou le goût de l'anticonformisme et de la provocation
Loin de réduire sa mode à une cause unique, Jean Paul Gaultier reconnaît : « La mode doit correspondre aux désirs du moment et refléter l’actualité. C’est être en amont du temps, c’est savoir le devancer. Le couturier est le catalyseur de son époque, son rôle est de traduire les changements et l’évolution de la société. » Interprète et observateur du monde environnant, ce grand admirateur de Saint-Laurent a ainsi forgé son goût pour la provocation sur les bases traditionnelles du tailleur en combinant maîtrise de la coupe et imagination sans limite. « Je cherche toujours à équilibrer l’excentrique et le classique » résume t-il.
Vu à certains égards comme le Vivienne Westwood français, Jean Paul Gaultier est très tôt subjugué par l’atmosphère punk de Londres où il voyage régulièrement. Fasciné par les idées nouvelles qui s’en dégagent, il s’imprègne de son style et en réinterprète les codes à coup d’épingles à nourrice, de clous, de tatouages et de coiffures hirsutes. Plurielles, ses sources d’inspiration viennent également de son environnement premier et oscillent entre les puces, Pigalle, Tati et le Marché Saint Pierre. « Je m'aperçois que je ne fais que brasser toute la culture que j'ai ingurgitée depuis l'enfance » avoue-t-il.
Dès ses débuts, il ose les matériaux de récupération, coupe sans vergogne une robe dans un sac poubelle et voit dans une boite de conserve l’incarnation d’un bracelet manchette aux accents tribals(1). Se faisant le miroir de ses convictions, ses défilés rendent hommage au Barbès qu’il affectionne(2) et réconcilient avec humour la bourgeoise(3) et la concierge(4). Jean Paul Gaultier signe alors une élégance nouvelle au service du peuple et à l’image d’une Parisienne sans le sou aux multiples visages. Ce n’est pas un hasard si le siège social de la Maison a pris ses quartiers en 2004 dans l’ancien Palais des arts de l’Avenir du prolétariat, rue Saint-Martin, loin des carrefours chics et balisés entourant l’avenue Montaigne…
Pauline Weber