Article - 30 décembre 2025

L’amour comme résistance : quand Mickalene Thomas fait du sentiment un acte politique

Au Grand Palais, Mickalene Thomas célèbre l’amour comme une force vive avec “All About Love”. Une exposition qui mêle engagement, mémoire et joie pour rappeler que créer, aimer et résister peuvent aller de pair.

L’engagement comme moteur de création

Mickalene Thomas est mondialement reconnue pour le regard nouveau et résolument engagé qu’elle porte sur la place des femmes noires dans l’histoire, l’art et la société.

L’exposition All About Love, première rétrospective parisienne de l’artiste, se présente comme une réflexion autour de l’amour, du plaisir et de la joie. Son titre s’inspire du livre All About Love : New Visions (1999) de l’autrice féministe bell hooks qui souligne l'importance d'expérimenter l'amour sous toutes ses formes, et combien celui que l’on construit au sein d’une communauté nous accompagne durablement.

Le corpus d’œuvres réunies dans cette exposition, réalisées depuis 2006, reflète avant tout cet amour de l'identité noire. C’est même l’ensemble du travail de Mickalene Thomas qui est dédié à la célébration des femmes noires et de leur aspiration individuelle et collective à occuper un espace social et artistique qui leur est encore trop souvent refusé.

Je définis mon travail comme un acte féministe et politique... Je suis noire, queer et femme.

Mickalene Thomas

L’amour comme acte de résistance

Que ce soit par la réinterprétation d'œuvres de grands maîtres pour y placer les femmes noires au cœur du récit, la célébration de figures iconiques de la culture africaine-américaine, l'intégration de documents d’archives, ou l'utilisation du collage comme acte de réparation : l’art de Mickalene Thomas souhaite dénoncer et réparer les injustices et les difficultés auxquelles les personnes noires, et particulièrement les femmes, sont confrontées.

Oeuvre de Mickalene Thomas, Guernica Detail (Resist #7) — Mickalene Thomas, *Guernica Detail (Resist #7)*, 2021

Cette dimension politique est particulièrement visible dans la série Resist, présentée dans l’exposition. L’artiste y aborde l’histoire de l’activisme en faveur des droits civiques, des années 1960 jusqu’aux luttes actuelles. Les œuvres évoquent les violences subies par les personnes noires aux États-Unis, mais aussi la force des luttes et des mobilisations collectives.

La peinture Guernica detail (Resist#7) fait ainsi office de mémorial dédié aux personnes noires ayant succombé aux violences policières et carcérales aux États-Unis, nous confrontant à la mémoire de ces nombreuses victimes.

En écho, les collages Power to the People (Resist #12), et Say Their Names (Resist #6), dont les titres sont issus de slogans protestataires, explorent le rôle central des femmes noires dans l'activisme pour les droits civiques. En superposant des images d’archives de manifestations et des fragments de photographies récentes documentant divers mouvements de justice sociale tels que Black Lives Matter, l’artiste crée des connexions visuelles entre passé et présent.

Avec Mickalene Thomas, le collage devient un outil politique : il permet à la fois de révéler la violence et l’injustice tout en créant de nouveaux récits qui témoignent et enseignent ce qu’est la résistance. Un hommage vibrant qui nous rappelle que l’amour, loin d’être un sentiment fragile, peut être une force collective essentielle. À voir jusqu’au 5 avril 2026 au Grand Palais !