Bohèmes du septième art
Quand une bohème en cache une autre sur le grand écran !
Artistes et bohème artistique, bohémiens et vie itinérante, ont sans cesse inspiré le cinéma, accordant une place constante mais variable aux mythes, clichés et stéréotypes. S’agissant de la bohème artistique, le roman de Murger et l’opéra de Puccini sont un véritable catalyseur de création cinématographique : quatre adaptations entre 1916 et 1926, la version française de Marcel l’Herbier (1945) et la transposition dans l’Europe d’aujourd’hui d’Aki Kaurismäki (1992). L’essentiel des films relatifs à la bohème artistique exploitent les idées reçues véhiculées par ce milieu à la morale prétendument légère associée à l’érotisme, aux passions et aux excès. Dans Un Américain à Paris (1951), Vincente Minnelli évoque la bohème parisienne des années 1920 dès la première scène : mansarde, atelier, café et jolies filles. Le héros tout désigné de ces films est l’artiste maudit, en particulier le peintre, tels Van Gogh (Minnelli, 1956 ; Maurice Pialat, 1981) ou Gauguin (Robert Lewin, 1942). Autre figure incontournable, le vagabond, à l’instar du Charlot de Charlie Chaplin, dont la route croise immanquablement celle d’artistes de tous bords – du Vagabond (1915) qui sauve Edna, volée et élevée par des Gitans, jusqu’aux Temps modernes (1936).
La belle femme est la partenaire consacrée de l’artiste bohème – sa muse, prête à se sacrifier. Souvent gitane, à l’instar d’Amarant (Martin Harant, 1916), vraie ou fausse – celles kidnappées et élevées chez les Gitans sont nombreuses, de Miarka de Jean Richepin (héroïne de films français de 1914, 1921 et 1937) à Esmeralda de Notre-Dame de Parisde Victor Hugo - filmée par de nombreux réalisateurs dont Kirk Wise pour Disney (1996).
Mais, la plus emblématique de toutes les gitanes est sans conteste Carmen, incarnation de la femme fatale sans scrupule et volontiers provocatrice. La nouvelle de Mérimée et l’opéra de Bizet sont à l’origine d’une centaine de films. Carmen est aussi régulièrement transposée : au Japon (Kesuke Kinoshita, 1951), en Amérique (Otto Preminger, 1964 ; téléfilm avec Beyoncé, 2001), à Paris (Jean-Luc Godard, 1983), dans l’Espagne contemporaine (Carlos Saura, 1983), au Sénégal (Joseph Gaï Ramaka, 2001) ou encore en Afrique du Sud (Mark Dornford-May, 2005).
Quel que soit le ton, les intentions et les formes – variables à l’infini – des « films de gitans », les clichés et les stéréotypes en sont rarement absents. Certains réalisateurs actuels tâchent néanmoins de s’en défaire, comme Tony Gatlif qui s’efforce de donner à voir la culture gitane dans toute son altérité.