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Pontus Hulten : portrait d’un homme de musée d’exception, inlassable défenseur des artistes

Photo portrait de Pontus Hulten
Centre Pompidou, MNAM-CCI, Bibliothèque Kandinsky / Jacques Faujour / Dist. GrandPalaisRmn

Pontus Hulten au Centre Pompidou, Paris, juin 1977 

Figure discrète mais déterminante de l’art du XXe siècle, Pontus Hulten a révolutionné notre rapport aux musées. Complice et soutien inconditionnel de Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely, il a su inventer des lieux à leur image : vivants, ouverts, inattendus. Retour sur le parcours d’un visionnaire.

Photo de Niki de Saint Phalle, Pontus Hulten et Jean Tinguely
Estate Leonardo Bezzola

Niki de Saint Phalle, Pontus Hulten et Jean Tinguely au cours d’un dîner dans la maison-atelier des artistes, Essonne, septembre 1982

Un trio indissociable 

Lorsque l’on pense à Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely, on imagine des machines bruyantes, des œuvres monumentales, des créations colorées, explosives, parfois éphémères. Mais derrière ce duo flamboyant, une troisième figure, plus silencieuse, a joué un rôle déterminant : Pontus Hulten

Historien de l’art, commissaire d’exposition, mais surtout homme de conviction, il partageait avec eux une même vision de l’art : libre, participatif et révolutionnaire, faisant de la création un acte de rébellion contre les normes établies. Tout au long de leur carrière, il les soutient sans réserve, leur consacre des rétrospectives, achète leurs œuvres, leur propose des cartes blanches. Une complicité indéfectible, une confiance rare. Ensemble, ils forment un trio inséparable, uni par un même idéal : rendre l’art vivant et ouvert à tous.

Photo portrait de Pontus Hulten
Centre Pompidou, MNAM-CCI, Bibliothèque Kandinsky / Jacques Faujour / Dist. GrandPalaisRmn

Pontus Hulten au Centre Pompidou, Paris, juin 1977 

Devenir passeur : l’art comme engagement 

Né en Suède en 1924, Hulten commence par étudier l’histoire de l’art tout en menant, dans les années 1940-1950, une pratique artistique personnelle. Il peint, fait des collages, s’intéresse au cinéma expérimental, avant de se rapprocher peu à peu des musées. Sa trajectoire bascule en 1954, lors d’un séjour à Paris, où il découvre le travail de Jean Tinguely. Fasciné par ses sculptures en mouvement, il cherche à le rencontrer. L’amitié qui naît alors entre les deux hommes ne s’éteindra jamais. Hulten abandonne sa pratique artistique pour devenir un passeur, un facilitateur, un défenseur des artistes.

Pontus a l’âme d’un artiste plutôt que celle d’un directeur de musée. Il n’est pas là pour rassembler en hâte des informations sur un artiste, il prend le temps d’établir une relation intime. Il passait des heures en notre compagnie, à Jean et moi, à table, à triturer un bout de ficelle sans rien dire. Il était l’un des nôtres.

Niki de Saint Phalle

Sculpture Hon (femme sur le dos) en couleurs avec visiteurs au premier plan en noir et blanc
2025, Niki Charitable Art Foundation / ADAGP, Paris / Hans Hammarskiöld, Hans Hammarskiöld Heritage

Niki de Saint Phalle, Photo de la Hon repeinte, 1979 (détail)

Inventer un musée vivant 

À partir des années 1960, c’est avec un regard neuf qu’il imagine ce que peut être un musée. Nommé directeur du Moderna Museet de Stockholm en 1963, il en fait un lieu audacieux et vivant. Il y organise des expositions inattendues, élargit les horaires d’ouverture, pense à des espaces pour les enfants. Il ne veut pas d’un musée intimidant, mais d’un espace de liberté accessible à tous. 

C’est dans ce contexte que naît, en 1966, l’un des projets les plus fous de l’époque : Hon – en katedral ("Elle, une cathédrale"). Sur l’invitation d’Hulten, Saint Phalle, Tinguely et l’artiste suédois Per Olof Ultvedt imaginent une Nana géante allongée, que l’on visite en entrant par son vagin. À l’intérieur, une multitude de scènes loufoques et joyeuses. Hulten ne se contente pas de donner son feu vert : il participe activement à la réalisation. Il prend des risques, y compris professionnels.

Pontus Hulten est un homme d’immense courage. Il a risqué son job comme directeur du Musée de Stockholm, non seulement en laissant faire un projet tellement controversé, mais aussi en y participant activement.

Niki de Saint Phalle

Crocodrome de Zig et Puce
Centre Pompidou © ADAGP, Paris, 1977 © Niki Charitable Art Foundation © ADAGP, Paris 2024

Le Crocodrome de Zig et Puce, Jean Tinguely, Niki de Saint-Phalle, 1977

Le Centre Pompidou : un manifeste grandeur nature 

Quelques années plus tard, Pontus Hulten est appelé à Paris pour participer à la création du Centre Pompidou. Il en devient le premier directeur du Musée national d’art moderne, à son ouverture en 1977. Fidèle à ses convictions, il invite Saint Phalle et Tinguely à créer une œuvre monumentale : Le Crocrodrome de Zig et Puce, installation géante, sorte de fête foraine grandiose et loufoque. Une œuvre éphémère, faite pour le public, pas pour le marché de l’art. Avec ce projet, Hulten gagne son pari d’offrir au visiteur, au sein-même de l’institution culturelle et muséale, de purs moments de divertissement en s’appropriant une œuvre par le jeu. 

Car pour Hulten, le musée ne doit pas être un sanctuaire figé mais un lieu de mouvement, d’émotion, de pensée libre. Il ne s’agit pas de rejeter l’institution, mais de l’habiter autrement, de l’utiliser pour remettre en question ses fondements, au nom de la liberté de l’art et du visiteur. Avec lui, l’art devient un acte de résistance joyeuse, un appel à l’autonomie individuelle, une expérience collective.

Une empreinte durable 

Jusqu’à la fin de sa vie en 2006, Pontus Hulten a continué de soutenir les artistes, de défendre un art vivant, ouvert, participatif. Sa carrière, de Stockholm à Paris, puis à Bâle ou Los Angeles, a laissé une empreinte durable sur les institutions culturelles. Sans lui, bien des œuvres majeures de Tinguely et de Saint Phalle n’auraient peut-être jamais connu une telle visibilité. 

Aujourd’hui, l’exposition présentée au Grand Palais rend hommage à ce trio inséparable. On y redécouvre leurs créations, mais aussi cette complicité si précieuse. Et en filigrane, la silhouette d’un homme qui a su faire du musée un lieu d’émotion, de jeu, de liberté.

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